La Première Guerre mondiale a laissé de nombreuses traces dans les Hauts de France. Je vous ai déjà emmené plusieurs fois sur des sites mémoriaux ou des musées et aujourd’hui nous partons découvrir le Mémorial 14-18.
Composé de 3 sites : la Nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette, l’Anneau de la Mémoire et le Centre d’Histoire, le Mémorial 14-18 permet de mieux comprendre la Première Guerre Mondiale dans le Nord-Pas-de-Calais.
Informations sur le Mémorial 14-18
Les 3 sites du Mémorial 14-18 se situent dans le Pas-de-Calais: la Nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette et l’Anneau de la Mémoire sur la commune de Ablain-Saint-Nazaire et le Centre d’Histoire en bas de la colline de Lorette à Souchez.
Nous ne sommes qu’à 15km d’Arras, à 50km de Lille et seulement à 6km d’un lieu que je vous avais précédemment présenté: le Mémorial canadien de Vimy dont voici quelques photos pour rappel.
Lorsque vous viendrez à Notre-Dame-de-Lorette, vous ne pourrez qu’être impressionné devant la triste immensité des lieux. Vous pourrez entrer dans la Nécropole pour rendre hommage aux milliers de soldats qui y reposent et visiter les deux monuments s’y trouvant: la tour-lanterne et la basilique.
Horaires d’ouverture de la Nécropole
d’octobre à mars : de 8 h 30 à 16 h 15
d’avril à mai : de 9 h à 17 h 30
de juin à août : de 9 h à 18 h 30
en septembre : de 9 h à 17 h 30
La nécropole de Notre-Dame-de-Lorette
Les origines de la nécropole
La colline de Notre-Dame-de-Lorette et tout l’Artois en général furent le terrain de nombreux affrontements entre les Allemands et les Alliés, en particulier entre 1914 et 1915. De nombreux cimetières rappellent tout autour d’Arras la violence de ces combats. Un article est prévu sur ce sujet dans les semaines à venir. Je vous tiendrai informé lors de sa publication.
La colline de Lorette était un point stratégique car avec ses 165m d’altitude, elle offrait un point de vue stratégique très convoité par les deux camps qui se la disputèrent âprement. La colline a changé plusieurs fois de mains au prix de la vie de milliers d’hommes. Elle est un symbole de la guerre de position.
Les soldats dans la nécropole
Le cimetière qui entoure la basilique de Notre-Dame de Lorette et la tour-lanterne constitue le plus vaste cimetière militaire de France. Ses dimensions sont impressionnantes puisqu’il s’étend sur une parcelle d’environ 13 hectares. Imaginez un immense rectangle de 645m de long sur 200m de large… Il abrite les dépouilles d’environ 43 000 soldats français, mais également issus des colonies françaises, tombés lors des batailles d’Artois.
Le cimetière est divisé en quatre secteurs autour de la basilique et de la tour-lanterne.
Outre les 20 000 croix blanches portant chacune le nom d’un soldat mort au combat, 22 970 autres soldats qui n’ont pu être identifiés reposent dans les ossuaires de la nécropole. lls sont situés en périphérie du cimetière. Ces immenses fosses, sur lesquelles sont inscrits le nombre de corps qui y ont été inhumés, donnent froid dans le dos… Tant d’hommes dont le nom est tombé dans l’oubli…
À titre de comparaison, le cimetière américain de Colleville-sur-Mer, situé près d’une des plages du Débarquement du 6 juin 1944, compte 9 388 sépultures.
Le site de Notre-Dame-de-Lorette
La tour-lanterne
Dès 1919, la colline s’est imposée comme un lieu de commémoration de l’immense sacrifice humain. Alors qu’à l’époque, un cimetière provisoire avait été improvisé, à l’issue de la guerre, c’est une immense nécropole qui vit le jour. Dans cette nécropole furent regroupés les corps de soldats enterrés dans plus de 150 cimetières de l’Artois.
Au milieu de cette immense nécropole fut construite la tour-lanterne dans le cadre de l’aménagement du site après la Première Guerre mondiale. Elle a été construite entre 1921 et 1925, en même temps que la basilique et l’ensemble de la nécropole. A cette époque, de nombreux sites de mémoire ont été aménagés dans toute la France. Elle fut construite en pierre blanche dans un style néo-byzantin tout comme la basilique.
Tout comme le Mémorial canadien de Vimy, elle est d’abord un monument de souvenir. On ne voulait pas oublier ceux qui étaient tombés pendant les batailles de l’Artois comme ceux morts sur le Chemin des Dames sur lequel j’ai précédemment écrit un article.
La tour-lanterne, du haut de ses 52 mètres est un phare de la mémoire. Il est conçu pour éclairer la mémoire des morts. C’est ainsi qu’elle contient une flamme du souvenir qui brille en continu pour honorer les soldats qui ont perdu la vie.
La lumière du phare est quant à elle visible la nuit dans toute la plaine d’Artois à plusieurs dizaines de kilomètres à ronde. Une lumière qui veille sur ses enfants qui ne sont plus. Elle rappelle ainsi que la Nation ne les oublie pas malgré le temps qui passe.
Sur le socle de la tour-lanterne, une inscription attire mon regard.
En en faisant le tour, je remarque une porte ouverte et pénètre dans la tour-lanterne. Je me retrouve alors dans une sorte de crypte peu éclairée et étroite qui contraste avec la grandeur de l’extérieur. Sur le sol, une grande plaque … La tour-lanterne de Notre-Dame-de-Lorette renferme plus qu’une lumière… Je comprends qu’elle renferme les ossements de soldats inconnus morts pour la France, qu’elle a également la fonctionne d’ossuaire. Et elle ne renferme pas moins de 6000 corps.
Au fond, une inscription…
Et là … des cercueils … 8 cercueils contenant les restes de soldats inconnus. 8? non 32 en fait car ils sont disposés sur 4 niveaux même si on ne voit pas ceux aux étages inférieurs.
Qui sont-ils? nul ne le sait… Mais ils sont le symbole de ces milliers d’hommes qui ont disparu des registres sans que leur famille n’ait de sépulture où se recueillir. En outre, cet ossuaire ne rend pas seulement hommage aux victimes de la Grande Guerre, il rend également hommage aux hommes qui ont perdu la vie pendant les guerres du XXème siècle.
C’est ainsi qu’on y a déposé
- 29 soldats inconnus de 1914-1918
- 1 soldat inconnu de 1939-1945
- 1 soldat inconnu d’AFN
- 1 soldat inconnu d’Indochine
- mais aussi 1 petit cercueil contenant des cendres provenant des camps d’extermination nazis.
C’est un lieu extrêmement émouvant et symbolique qui ne peut laisser insensible.
La basilique de Notre-Dame-de-Lorette
La nécropole tire son nom d’un oratoire qui avait été construit par Florent Guilbert en remerciement à Notre-Dame-de-Lorette pour sa guérison lors du pélerinage qu’il avait réalisé à Loreto en Italie. Oratoire qui fut détruit pendant la Révolution française puis reconstruit sous la forme d’une chapelle. Celle-ci ne résista pas aux combats de mai 1915.
A l’issue de la guerre, le projet de nécropole nationale la vit renaître. C’est ainsi qu’au milieu de la nécropole fut construite la basilique. On ne peut la manquer, elle est elle aussi construite en pierre blanche dans un style néo-byzantin.
L’architecte, Louis-Marie Cordonnier, est le même que celui qui a imaginé la reconstruction du beffroi d’Armentières dont je vous avais parlé ici.
Je n’ai jamais eu la chance de pouvoir la visiter mais j’espère bien pouvoir un jour en découvrir l’intérieur dont vous avez un aperçu ici sur le site de l’association du monument de Notre-Dame-de-Lorette.
L'Anneau de la mémoire
Dans le cadre des commémorations du centenaire de la Grande Guerre et de l’Armistice, bon nombre de projets ont vu le jour dans toute la France. A Ablain-Saint-Nazaire, jouxtant la Nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette, un immense projet vit le jour. Un projet conçu par l’architecte Philippe Prost à la hauteur du drame humain qui a eu lieu dans l’Artois: un Anneau de la Mémoire.
D’autres sites comme la Clairière de l’Armistice à Rethondes ont eu l’idée de l’anneau.
Mais rien de comparable avec l’anneau que vous découvrirez en venant à Notre-Dame-de-Lorette… Et pour cause ! Imaginez un anneau posé à flanc de colline et mesurant plus de 345 mètres de périmètres ! Sur ces 345 mètres, 56 mètres sont au-dessus du vide. Une vraie prouesse architecturale!
Outre les dimensions exceptionnelles de cet anneau, ce qu’il représente l’est encore plus ! En effet, cet anneau est un recueil à ciel ouvert. A l’intérieur, on trouve en effet 500 plaques en acier et sur ces plaques les noms des 579 620 soldats tués sur les 90km de front du Nord-Pas-de-Calais. Près de 580 000 hommes de toutes les nationalités, de tous les grades, de toutes les religions, des hommes, des femmes. Des noms gravés dans l’acier les uns derrière les autres, par ordre alphabétique sans aucune distinction.
Dans cet Anneau de la Mémoire, ils sont tous unis dans la mort comme s’ils se donnaient la main dans cette grande ronde… Unis dans le repos éternel et la mémoire.
C’est ainsi que des soldats de 40 nationalités différentes ont leur nom gravé ici à jamais. L’existence de tous ces soldats est reconnue qu’ils aient une tombe à leur nom dans un cimetière militaire ou pas…
Un lieu où l’on ne peut rester insensible comme en écoutant la chanson de Damia qui rappelle le désespoir de ces mères qui ont perdu leur enfant sans avoir de tombe à fleurir.
L’Anneau de la Mémoire symbolise la fraternité entre tous ces hommes tombés sur le champ de bataille, la paix retrouvée. Mais l’anneau en équilibre rappelle aussi la fragilité de la paix et le fait que la situation puisse basculer à tout moment et la guerre faire son retour. C’est ce que rappelait aussi le monument dans le cimetière américain de Seringes-et-Nesles dans le Tardenois.
Nombreux sont ceux qui viennent à l’Anneau de la Mémoire et qui cherchent le nom d’un membre de leur famille tombé dans le Nord-Pas-de-Calais. Le premier nom inscrit est celui d’un Népalais, le dernier celui d’un Allemand. Au milieu de tous ces noms,
- Paul Mauk, dont le nom vous est sans nul doute inconnu et, qui était le plus jeune soldat allemand engagé dans le conflit,
- John Kipling, le fils du poète Rudyard Kipling aucun on doit l’inscription « Known unto God » que l’on retrouve sur les tombes de soldats inconnus du Commonwealth,
- Joseph Standing Buffalo qui était le petit-fils du chef indien Sitting Bull.
3 hommes au milieu de ces centaines de milliers de vies brisées…
Centre d'histoire du Mémorial 14-18
Informations pratiques
La visite serait incomplète sans venir au Centre d’Histoire situé au pied de la colline de Lorette, 102 Rue Pasteur Parking, Chemin de Lens sur la commune de Souchez.
Le Centre d’histoire du Mémorial 14-18 est accessible toute l’année aux horaires ci-contre.
Ce que j’apprécie tout particulièrement, c’est le fait que l’entrée soit gratuite pour tous. Le prix n’est donc pas un frein pour y venir en famille, ou seul, pour mieux comprendre ce qui s’est passé dans ces lieux il y a maintenant plus d’un siècle.
De nombreuses photos pour comprendre
Le Centre d’Histoire permet de recontextualiser les batailles de l’Artois par rapport aux offensives régionales en abordant des événements ayant eu lieu à Maubeuge, au Cateau-Cambrésis ou encore à Fromelles près d’Armentières… Les photographies illustrent les différents points, les différents moments clés et rendent les informations accessibles à tous.
On y voit aussi des photos de l’occupation allemande, des destructions occasionnées…
L’enfer que représentait la vie dans les tranchées entre deux offensives. La boue partout, l’épuisement, la mort partout est également illustré.
Difficile d’imaginer à quoi pouvaient ressembler les moments passés dans un abri souterrain… Ces abris qui faisaient partie de la stratégie de la guerre de position et dont on peut observer une maquette et des photographies.
Des photographies au milieu des combats. Montrer la violence, les destructions massives.
Des photographies pour témoigner des immenses pertes humaines.
Les objets du quotidien
De nombreux objets exposés rappellent le quotidien de ces hommes, des objets personnels qu’ils gardaient précieusement dans leur sac ou des objets utilitaires comme les bouteilles.
On y trouve également des armes démilitarisées, des barbelés, mais aussi des jumelles pour observer l’ennemi, un appareil photo pour immortaliser ce que personne ne croirait… mais aussi un nécessaire pour soigner les blessés quand on le pouvait…
Ce serait bien trop long de vous résumer tout ce qui est à découvrir dans le Centre d’histoire du Mémorial 14-18. La richesse documentaire est impressionnante et je suis certaine que vous apprendrez beaucoup en vous y rendant comme moi je l’ai fait.
Avant de clore cet article, je voudrais vous montrer deux cartes qui vous permettront de vous faire une dernière idée sur la violence des combats qui ont eu lieu dans le Nord-Pas-de-Calais…
Vous voyez la zone rouge ? Elle correspond à une zone entièrement dévastée, où il n’y avait plus rien debout et où il a fallu tout reconstruire. Armentières, Lens tout près de Vimy sont dans cette zone rouge.
Notez la ville d’Arras, qui certes n’a pas été entièrement détruite mais qui elle aussi a connu d’énormes chantiers pour avoir le visage qu’elle a maintenant.
Cette seconde carte montre les cimetières militaires dans cette zone:
- en rouge les cimetières britanniques
- en noir ceux allemands
- en bleu ceux français dont bien la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette
Quand on voit tous ces points, on prend conscience du nombre d’hommes qui ont perdu la vie pour un combat qui n’était finalement pas le leur…
Les années passent mais le souvenir reste. Le Mémorial 14-18 est là pour que l’on n’oublie pas les hommes de la Grande Guerre et toutes les souffrances qu’ils ont endurées. Transmettre aux jeunes générations le témoignage d’une guerre qu’ils n’ont pas connues pour que pareille horreur ne se reproduise pas.
Dans de prochains articles nous continueront à nous intéresser au « tourisme de mémoire » en nous rendant notamment à la carrière Wellington à Arras, au musée Bullecourt 1917 ou encore au musée de la Bataille de Fromelles.
6 réponses
Ton reportage représente très bien le lieu, merci d’avoir partagé ce lieu d’histoire 🙏🙏🙏
Merci à toi d’avoir pris le temps de le lire.
joli travail de mémoire que je viens de lire cette région particulièrement touchée par ces deux guerres il ne faut pas oublier…. merci flo pour ce reportage
Merci à toi d’avoir pris le temps de lire ce nouvel article qui me tenait tout particulièrement à coeur.
Merci de perpétuer des moments si tristes de notre histoire. Si seulement des leçons en étaient tirées… La guerre rode toujours près de notre porte.
C’est tellement important de parler de tout ce qui s’est passé pendant la Grande Guerre, tellement de vies ont été brisées… Merci d’avoir pris le temps de lire ce nouvel article.