Dans plusieurs articles précédents, je vous ai parlé de lieux concernant la Première Guerre mondiale. Nous avons déjà visité le fort de la Salmagne, la coupole d’Helfaut. C’est une période de l’Histoire qui m’a toujours intéressée et lorsque j’ai la possibilité de visiter un site y ayant trait, je n’hésite pas.
Et donc aujourd’hui, je vous emmène dans un lieu incontournable du Pas-de-Calais: le Mémorial canadien de Vimy .
Informations générales sur Vimy
Le Mémorial est situé sur la commune de Givenchy-en-Gohelle tout près de Lens.
Découvrir le Mémorial est gratuit. Vous ne paierez ni pour accéder au monument, ni pour voir les reconstitutions de tranchées, ni pour accéder au centre d’accueil qui propose une exposition sur la construction du mémorial et sur les soldats canadiens.
Le Mémorial a été construit sur un terrain de plusieurs centaines d’hectares offert par la France au Canada à la fin de la Première Guerre Mondiale. C’est un lieu de souvenir important pour les Canadiens. Nombreux sont ceux qui font le voyage pour rendre hommage à un membre de la famille mort en France.
Sur la carte ci-dessous, on voit que le Mémorial est composé de différentes zones:
- le monument canadien,
- les souterrains et tranchées restaurés,
- le centre d’accueil et d’éducation du Mémorial national du Canada
- les cratères broadmarsh
- les cimetières militaires
Pourquoi une telle construction en ces lieux?
Laissez-moi vous raconter ce qui s’est passé entre le 9 et le 12 avril 1917 sur la crête de Vimy.
La bataille de Vimy
La crête de Vimy était un point stratégique car il dominait la plaine de Lens. Cette plaine dans laquelle se trouvaient de nombreux puits de charbon dont se servait l’occupant.
La crête avait été fortifiée par les Allemands qui l’avait conquise dès 1914: 3 lignes de tranchées successives avec des fils de fer barbelés, des tranchées secondaires de communication, des constructions en béton avec des mitrailleuses, un réseau de tunnels …
Des reconstitutions de tranchées en béton sont à découvrir près du centre d’accueil.
La crête était très convoitée par les Alliés qui avaient lancé plusieurs attaques pour la récupérer. Ces attaques françaises et britanniques s’étaient toutes montrées infructueuses. Pour la protéger, les Allemands avaient notamment mis en place un réseau ferré pour approvisionner rapidement les batteries d’artillerie en obus. De plus, un important réseau de souterrain miné avait été prévu près à exploser dès que les troupes adverses approchaient.
C’était sans compter le Corps Canadien… C’est en effet aux quatre divisions canadiennes que l’on doit en effet la prise de la crête. Cette victoire est le fruit d’une préparation méticuleuse de l’opération, on ne voulait pas reproduire les batailles de Verdun et du Chemin des Dames. Donc pas question d’envoyer les hommes directement dans le No man’s land où ils étaient des proies faciles avant d’atteindre le camp adverse. C’est ainsi que 11 tunnels de 6km furent creusés et que tous les soldats connaissaient par coeur l’emplacement des positions ennemies. Leur ordre était de toujours rester en mouvement même si leur chef venait à tomber lors de l’attaque .
Imaginez qu’avant l’offensive, 1 million d’obus furent lancés pour mettre à mal les défenses de la crête et des environs. Les stigmates des combats sont visibles à Vimy, on y trouve d’immenses cratères d’obus ! Tout le terrain à Vimy n’est que trous et bosses.
Affaiblis mais toujours présents, les Allemands défendirent aussi longtemps qu’ils le purent la crête et firent des victimes dans les rangs canadiens.
Témoignage des hommes de la 6e Brigade de la 2e Division, « Des hommes blessés jonchent le sol dans la boue, dans les trous d’obus et dans les cratères creusés par les mines; certains hurlent en direction du ciel, d’autres gisent en silence, les uns implorant de l’aide, les autres luttant pour ne pas être engloutis dans des cratères remplis d’eau; le terrain grouille de brancardiers essayant de porter secours à des victimes dont le nombre ne cesse d’augmenter. »
La bataille de Vimy a fait 3 598 morts et 7 000 blessés parmi les soldats canadiens. Certains eurent d’horribles blessures! Gueules cassées, amputations étaient monnaie courante.
Parmi ces blessés Ethelbert « Curley » Christian. Gravement blessé et atteint de gangrène, il dut être amputé de ses 4 membres. Il participa activement à la création d’un programme d’aide sociale et financière pour les anciens combattants handicapés.
Cette victoire est une date importante dans l’histoire du pays. Elle est en effet considérée comme une date marquant l’émergence du sentiment de fierté d’appartenir à la nation canadienne, ce sont les premiers pas vers son indépendance.
De nombreux livres ont été écrits sur la bravoure de ces soldats.
Pour davantage d’informations sur la bataille de Vimy, cliquez ici.
Si vous avez envie de livre un autre article qui parle cette fois-ci de libération par des soldats néo-zélandais, c’est par ici.
Le mémorial de Vimy
Le projet et la construction
C’est en 1921 que le sculpteur canadien Walter Allward remporta le concours de la Commission canadienne des mémoriaux de champs de bataille. Parmi les 160 projets proposés, c’est à lui, que revint l’honneur de construire, au sommet de la côte 145, le plus prestigieux des monuments: le Mémorial de Vimy. 1.5 millions de dollar furent dépensés pour la réalisation du projet.
Comme beaucoup, il fut marqué par les combats qui firent tomber tant d’hommes.
Le Mémorial est à la hauteur du sacrifice humain concédé par le Canada. Construit au sommet de la côte 145, on le remarque de loin et ce n’est pas étonnant vu ses dimensions…
- une base de 75m de long sur 10m de haut
- des pylônes de 35m
Il a fallu 11 ans de travaux (entre 1925 et 1936) pour achever cet immense chantier. Il a fallu en effet tout d’abord sécuriser les lieux en déminant la zone de travail, 100 000 mètres de terre ont dû être enlevés à la main pour préparer la base du monument. Il a fallu créer une immense fosse pour accueillir le projet, construire une ossature d’acier, couler 15 000 tonnes de béton et acheminer depuis la Croatie 5 000 tonnes de blocs de pierre qui furent taillés sur place. Allward a choisi cette pierre parce qu’il voulait du marbre blanc, mais s’inquiétait de sa durabilité dans les conditions du nord de la France.
Il fut inauguré le 26 juillet 1936 en présence du roi Edouard VIII et de 100 000 personnes dont beaucoup de vétérans entourés de leur famille.
Le monument canadien
Lorsque l’on arrive devant le monument, on ne peut qu’être impressionné par sa grandeur et sa beauté ! Il est magnifique avec ses deux grands pylônes.
Les deux pylônes ont une symbolique forte: ils représentent pour l’un, l’Europe avec la France et de l’autre le Canada. L’espace entre les deux n’est autre que l’Océan Atlantique qu’ont dû franchir des milliers de soldats pour venir nous libérer.
Ce qui fait également sa beauté, ce sont les 20 statues qui l’ornent. Chacune d’entre elles représente un idéal : la Paix, la Justice, l’Honneur, la Charité, la Foi, la Vérité, la Connaissance, l’Espoir… Les plus hautes du monument représentent la Justice et la Paix.
Les statues sont remplies de tristesse face à l’ampleur du sacrifice, des milliers de mères au Canada pleurent un fils qui ne reviendra pas.
C’est le cas de cette statue appelée « Canada Mourning Her Fallen Sons« .
On ressent la douleur des personnages.
J’ai beaucoup aimé travailler les photos en noir et blanc, je trouve que les sentiments ressortent encore plus (c’est mon avis, n’hésitez pas à me dire en commentaire ce que vous en pensez).
Le socle sur lesquels reposent les pylônes revêt une grande importance puisque c’est sur celui-ci que sont gravés les noms des 11 285 Canadiens qui n’ont pas de sépulture connue en France. Le mémorial est ainsi une sorte de gigantesque mausolée leur rendant honneur.
A tout âge on peut ressentir la tragédie qui s’est jouée ici et on ressent la nécessité de se recueillir pour saluer la mémoire de tous ces hommes qui ont perdu la vie, de les remercier pour leur sacrifice.
Pour découvrir d’une autre façon le monument, c’est ici.
- Il est possible de gravir une partie des escaliers, de s’approcher des pylônes mais il est interdit de monter sur les statues pour ne pas les détériorer. Une importante campagne de restauration a été menée à l’approche du centenaire de l’armistice et il faut préserver le mémorial.
- L’usage des drones est réglementé: il faut obtenir une autorisation pour prendre des photos aériennes. Pour l’obtenir, rendez-vous au centre d’accueil des visiteurs (je ne manquerai pas de le faire lors d’une prochaine visite, ce doit être superbe vu du ciel !)
Le centre d’accueil et d’éducation du Mémorial national du Canada à Vimy
Le centre d’accueil est ouvert tous les jours sauf le 25 décembre et le 1er janvier.
Comme dit précédemment, l’entrée est libre et gratuite.
Heures d’ouverture :
- Du 1er mai au 31 octobre : 10H00 à 18H00
- Du 1er novembre au 30 avril : 9H00 à 17H00
Vous y rencontrerez des étudiants canadiens venus avec la Vimy fondation. Ces étudiants présents 4 mois en France sont fiers d’être sur ce lieu si important pour l’histoire canadienne.
Ces étudiants peuvent vous accompagner lors d’une visite guidée du site. Ils vous délivreront de nombreuses informations qui vous aideront à mieux comprendre la bataille. Des visites guidées des souterrains vous sont également proposées.
A l’intérieur, un musée vous présente le monument canadien. Un mur entier est consacré au souvenir avec notamment le poème « In Flanders fields » de John McCrae. Tant d’hommes ont laissé leur vie dans les terres des Hauts-de-France et de la Belgique…
Il vous parle des soldats canadiens.
Des affiches rappellent l’effort de guerre qui a été demandé à la population canadienne. Le Canada est d’ailleurs passé du recrutement volontaire à la conscription en 1917.
Cimetières militaires canadiens à Vimy
Nombreuses sont les communes des Hauts-de-France abritant des tombes de soldats du Commonwealth tombés pendant la Grande Guerre. Certaines ont un cimetière qui leur est dédié, d’autres ont un carré dans le cimetière communal comme à Ors où est inhumé le poète britannique Wilfred Owen.
A Vimy, deux cimetières militaires accueillent pour toujours les corps des soldats qui ne retourneront pas chez eux, qui ne reverront pas leur pays, leur famille.
Les tombes des soldats britanniques, canadiens, néo-zélandais sont facilement identifiables en raison de la présence de stèles blanches (les tombes allemandes quant à elles ont des croix noires comme dans le cimetières de Frasnoy).
Les stèles blanches sont alignées sur un gazon impeccable. au pied de chacune d’elles des fleurs… des fleurs pour honorer la mémoire du soldat qui repose là. Son nom ainsi que le corps auquel il appartenait est gravé dans la pierre pour ne pas être oubliés.
Enfin pas toutes … En effet, lorsque l’on regarde les inscriptions, on se rend compte qu’un certain nombre n’ont pas nom. Rien … Ou presque « Known unto god« .
De nombreux soldats ont perdu la vie sans pouvoir être identifiés en raison des terribles blessures subies. Ce sont des soldats inconnus. Parmi eux, le fils d’un auteur célèbre Rudyard Kipling, oui celui qui a écrit « Le livre de la jungle ». Son fils John est mort au combat durant la bataille d’Artois en 1915. Malgré ses nombreuses recherches, il ne l’a jamais retrouvé. Et c’est ce père endeuillé qui utilisa pour la première fois l’expression inscrite depuis sur les tombes sans nom « Connu seul de dieu« .
Le nombre important de ses soldats dont l’identité demeurera pour l’éternité inconnue rappelle la violence des combats qui firent rage dans les environs.
L'entretien du mémorial de Vimy
Lorsque l’on arrive à Vimy, tout est vert. De l’herbe, des arbres, des centaines d’arbres, des milliers d’arbres... Ces arbres ne sont pas là par hasard… Chaque arbre venu du Canada représente un soldat canadien qui n’est pas revenu. Quand on voit cette forêt, l’ampleur du sacrifice est immédiatement perceptible.
La terre gardera pendant longtemps les traces de ces hommes … les corps de ce qui n’ont pu être inhumés, l’équipement des soldats mais aussi les obus non éclatés… De toutes parts, des panneaux rouges vous rappellent de ne pas sortir des zones aménagées car le risque d’accident est toujours présent.
Quant à l’entretien du site, les moutons sont mis à contribution. Seules les personnes ayant l’autorisation peuvent se rendre dans ces zones.
Si vous avez le temps, n’hésitez pas à vous rendre, à quelques kilomètres de là, à Notre-Dame de Lorette: la plus grande nécropole française ! Vous y verrez juste à côté l’Anneau de la Mémoire sur lequel se trouvent les noms de 579 606 soldats tombés sur les 90km de front du Nord-Pas-de-Calais entre 1914 et 1918. Des soldats de 40 nationalités différentes écrits dans l’ordre alphabétique sans distinction d’origine…
Vous pouvez également vous rendre sur la base du 11-19 à Loos-en-Gohelle.
C’est ainsi que se termine la visite de ce site emblématique. J’espère que cet article vous aura intéressé, n’hésitez pas à laisser un petit commentaire ou à poser des questions si vous en avez.









































12 réponses
photos 📷 magnifique et un lieu à voir et revoir, généralement au levé ou couché du soleil le panorama et magnifique.
Je ne l’ai jamais vu dans ces moments là, ce doit être effectivement magnifique !
En cette veille d’armistice, j’apprécie ce genre d’article qui rappelle combien nous devons à nos alliés durant la Première Guerre mondiale
C’est important de ne pas oublier 🙏
Super article. Un sujet passionnant qui est adapté autant à des personnes qui ont des connaissances limitées sur la première guerre mondiale qu’à des personnes expérimentées.
Un lieu qui touche énormément !
Un site très émouvant sur lequel je me suis déjà rendu. Merci pour toutes les informations sur le site, il y en a beaucoup que je ne connaissais pas. C’est un article très intéressant ! Avez-vous prévu d’écrire également un article sur Notre Dame de Lorette ?
Merci d’avoir apprécié !
Quant à Notre-Dame de Lorette, j’ai effectivement prévu d’écrire un article mais il faut que j’y retourne pour prendre des photos complémentaires à celles que j’ai déjà prises lors d’une précédente visite;
Je ne connaissais pas du tout ce monument, il est magnifique et les statues sont très expressives ! J’ai beaucoup aimé tes photos en noir et blanc, tu devrais en poster plus souvent.
Merci encore une fois pour toutes tes explications, je n’ose pas imaginer le temps que tu passes à écrire ces articles … Hâte de découvrir un nouveau lieu dans le prochain !
Merci beaucoup, j’essaie d’être la plus précise. Chaque article est l’objet de nombreuses recherches !
Quant aux photos en noir et blanc, j’en fais rarement mais j’aime beaucoup!
Encore une très beau reportage, les photos sont magnifiques.
Merci pour ce partage 😉
Merci beaucoup pour ce gentil message !